OBSERVATOIRE DU SPORT BUSINESS - Le développement des sports urbains se confirme alors que s'annoncent les JO de Paris 2024. Décryptage.
Vincent Chaudel est un expert en marketing et co-fondateur de l'Observatoire du Sport Business, le Think Tank du cabinet In&Sport dont la vocation est d'apporter des analyses et des décryptages sur l'évolution du sport, tant dans sa dimension économique que sociale. Article rédigé en collaboration avec Lucie Bourdier, Carlota Alonso Alexander, Orane Florinda, Manon Meunier, Amandine Pascal, étudiantes de l'ISEM | Kedge BS.
Du 25 au 29 mai se tenait le Festival International des Sports Extrêmes à Montpellier, un événement international mêlant athlètes amateurs et professionnels des sports urbains. Au programme, cinq jours de sport intenses, entre BMX, Skateboard, Parkour, Roller et d'autres disciplines spectaculaires, sous les yeux de plus de 600 000 spectateurs. C'est l'occasion de se pencher sur la structuration de ces nouveaux sports urbains. Alors que certains sont récemment entrés au programme olympique, d'autres tentent également de faire leur place dans le milieu sportif international et de structurer leur pratique. Un vrai « parkour » du combattant …
Depuis 1997, l'Hérault est le lieu de rendez-vous de tous les adeptes de ces sports longtemps perçus comme marginaux. Mais ça, c'était avant … qu'un marché émerge d'abord de ventes de matériel, puis de contenus audiovisuels, le tout pour un public toujours plus nombreux. En 2016, l'édition de Montpellier franchit pour la première fois, la barre des 500 .000 spectateurs.
Parallèlement, certains sports « traditionnels » sont à la recherche d'un second souffle. Dans un souci de « rajeunissement » des publics, nous assistons partout à un renouvellement de l'offre sportive, qu'elle soit pratique ou spectacle. BMX, Basket 3x3, Foot à 5, escalade, skate, parkour, breakdance … autant de sports plébiscités par la jeunesse du monde entier qui ont pour point commun d'être en pleine expansion et un même défi : la structuration de leur filière.
Une opportunité nommée « JO »
La pratique sportive, longtemps cantonnée à des espaces clos, s'invite aujourd'hui dans le décor urbain et les villes deviennent alors de véritables terrains de sport. D'ailleurs, certaines disciplines feront très prochainement leur entrée dans la grande famille de l'olympisme. Comme le breakdance pour Paris 2024. Le skateboard et l'escalade, déjà présents à Tokyo en tant que “sports additionnels”, ont été reconduits pour les Jeux de Paris. Ces choix illustrent la volonté du CIO (Comité International Olympique) « d'actualiser » sa programmation en intégrant des sports plus attrayants auprès d'un public plus jeune. Cela se traduit par la modernisation de disciplines historiques et l'entrée de pratiques dites urbaines, qui sont par essence connectée à la nouvelle génération. Elles présentent l'avantage d'être très suivis et leurs champions bénéficient d'une couverture médiatique de plus en plus importante et de larges communautés de fans. Le programme olympique étant contraint par le temps, donc par le nombre de compétitions accueillies, le bonheur des uns fait le malheur des autres. C'est le cas du karaté qui, bien que pratiqué dans le monde entier, n'a pu conserver son statut de sport « additionnel ». La médaille d'or Steven Da Costa n’aura donc pas suffi à faire changer d'avis le COJOP. La justification de cette décision par Tony Estanguet, président du comité Paris 2024 est sans équivoque : « aller chercher des sports urbains comme le skateboard et la breakdance, des sports qui cartonnent sur les réseaux sociaux et que les jeunes regardent énormément ».
Ces choix répondent avant à des considérations économiques. Pour se financer, les Jeux Olympiques se doivent de rester attractifs pour les annonceurs et les diffuseurs. Ils ont donc besoin de disciplines suscitant l'intérêt en quantité et en qualité des cibles visées par les sponsors et chaînes de télévision, qui représentent 70% des revenus du CIO. Comme ces nouvelles disciplines ont un côté spectaculaire répondant aux inspirations du moment. C'est le pari qu'ont fait les dirigeants de RedBull, premier sponsor des sports extrêmes. Grâce à leur dimension spectaculaire, des disciplines comme le parkour, le skateboard, le BMX et le breakdance ont une carte à joueur et devraient bénéficier d'une visibilité toujours plus importante, en proposant des évènements uniques et mondialement connus.
Et pourquoi pas le Parkour ?
Parfois, il suffit d'un concours de circonstances pour changer votre destinée. Une des images qui restera tristement attachée aux Jeux de Tokyo, c'est peut-être l'affaire de maltraitance d'un cheval lors de l'épreuve de pentahlon moderne. Face aux dénonciations d'associations de protection animale, la fédération internationale a fait le choix de remplacer l'équitation par une course d'obstacles à pied. Le parkour ne pouvait rêver plus belle opportunité. Car rappelons que le parkour consiste avant à tout à franchir des obstacles avec ses seules capacités motrices. Cette pratique a été médiatisée dans les années 2000 grâce au cinéma : Yamakasi, Banlieue 13 et même James Bond dans Casino Royale. Depuis 2016, vous l'avez certainement aperçu à l'occasion d'émissions télévisées comme Ninja Warrior (3.41 millions d'audience en 2022) où de nombreuses athlètes de parkour participent et sont régulièrement en finale.
Pour Cedric Martin, directeur de l'association PK 13 et référent du développement du parkour au sein de la fédération française de gymnastique, « ce qui se passe au niveau télévisuel, médias et autres réseaux ont permis au cours de ces 10 dernières années de démultiplier le nombre de pratiquants, de personnes qui s'y intéressant». Par effet de domino, des clubs se créent ici et là répondant à une réelle demande et générant un besoin d'encadrement. Pour preuve, l'association PK13 a créé des formations pour éducateurs spécialisés avec un diplôme reconnu par Jeunesse et Sport (BPJEPS).
Comme pour le skate, il est encore difficile aujourd'hui d'établir un chiffre exact de pratiquants car le parkour n'est pas encore structuré, souvent en dehors du schéma traditionnel, sous licence. Pour autant, Cédric estime à une dizaine de milliers le nombre d'adeptes en France.
Peut-on vivre du Parkour en 2022 ?
De la pratique au professionnalisme, il y a encore bien des étapes ou des obstacles à franchir pour qui veut faire de sa passion, son métier. Tout d'abord, il n'y a pas encore assez de compétitions pour qu'un athlète puisse vivre à 100% de ses gains. La compétition ne pouvant être la seule source de revenus, un athlète peut se rémunérer de sa pratique en tant qu'éducateur sportif au sein d'un club faisant la promotion de la discipline, en proposant des prestations d'animation auprès de tous types de structures : public, privée, associatives. Car la dimension événementielle est un véritable levier pour ces sportifs. «Aujourd'hui PK13, c'est 11 salariés à temps plein et sur les 11 salariés, il y a effectivement, des éducateurs, des performers mais aussi des développeurs de projets, sans oublier le rôle de formateur puisqu’on vit aussi de la transmission notre savoir pour permettre à d'autres d'en vivre » rappelle Cédric Martin.
Chase Tag : Le jeu du chat et de la souris comme vous ne l'avez jamais vu
Preuve s'il en est de la dynamique initiée par le parkour, l'apparition d'un format compétitif et très « télégénique » : le Chase Tag. Il s'agit d'une nouvelle discipline dérivée du parkour, un véritable show alliant agilité, rapidité et dextérité. Le concept est simple et nous invite à replonger dans notre enfance pour jouer au jeu du chat et de la souris, dans un espace rempli d'obstacles. À la différence du Parkour, le Chase Tag est une organisation privée qui aspire à développer ses évènements en misant sur le côté spectaculaire de la discipline pour attirer médias et sponsors. Au-delà d'un phénomène urbain, le Chase Tag devient un événement marketable et scénarisable au même titre que l'Ultimate Fighting Championship (UFC) a su faire en mixant des arts martiaux historiques. Fondée en 2011, World Chase Tag comptent d'jà de nombreux spectateurs et adeptes dans le monde entier. On comptabilise déjà plus de 700 000 fans sur la chaîne Youtube “World Chase Tag” et 553 000 fans sur Instagram, accumulant des millions de vues sur les vidéos. Christian Devaux, fondateur du Chase Tag, nous ont confié que lorsque qu'il y a de «bons athlètes qui s'affrontent, c'est le sport le plus excitant à regarder, […] il est facile à comprendre et il n'est pas limité par la culture”. Damien Devaux, co-fondateur explique : “Notre objectif à moyen terme est de développer le sport et nous disons toujours que nous voulons voir les meilleurs athlètes chasser, c'est notre objectif et c'est en quelque sorte notre mission».
Parkour ou Chase Tag, faites vos Jeux !
Au-delà de la piste « pentathlon moderne », le parkour a enclenché le mouvement vers une reconnaissance olympique : s'il n'est pas encore au programme en 2024, il fera peut-être son entrée lors des JO de Los Angeles en 2028. La métropole californienne et le CIO réfléchissent sérieusement a intégré la discipline à son programme en tant que discipline “test”, d'autant plus que le décor urbain déjà en place se prête très bien aux sauts, passements d'obstacles et courses urbaines. La question de l'intégration du parkour aux Jeux Olympiques a également gagné en légitimité, depuis que la Fédération Internationale de Gymnastique (FIG) a intégré en 2017 deux formes du parkour, dîtes : “Speedrun” et “Fresstyle”.
Cependant, l'intégration de cette nouvelle discipline au JO fait débat y compris au sein des pratiquants considérant leur sport comme un hymne à la liberté, loin des normes et des codes. Certes, les Jeux représentent un véritable enjeu de développement et de promotion … via la FIG et donc une perte d'autonomie voire d'identité. Pour Shane Griffin, adepte du parkour depuis plus de 15 ans et testeur international officiel de nombreux show Ninja Warrior, «c'est une bonne chose pour le sport et ce qui se passera avec le parkour ne changera pas ce qu'est le parkour pour un athlète en tant qu'individu, donc tout le monde peut faire ce qu'il veut.»
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