DISPARITION - Le virtuose brésilien est mort lundi matin à son domicile de Rio de Janeiro. Empêché par le covid, il n'était pas remonté sur scène depuis une fracture en 2019.
Le pianiste brésilien Nelson Freire était lourdement tombé au mois d'octobre 2019 et avait été alors opéré de multiples fractures au bras et à l'épaule, ayant tenté de protéger ses mains dans sa chute. Il n'aura finalement pas survécu très longtemps à ce choc physique et psychologique, et c'est à l'âge de 77 ans qu'il vient de s'éteindre à Rio de Janeiro. Avec lui disparaît bien plus qu'un pianiste : un musicien dans l'âme, profondément humain, qui avait su tisser malgré (ou grâce à) sa grande pudeur et humilité un lien authentique avec le public, fondé sur la sensibilité plus que sur la virtuosité. Et pourtant, elle était immense, sa virtuosité, hors norme même.
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Né en 1944 dans le village de Boa Esperança, dans l'État du Minas Gerais, dans les collines où l'on cultive le café, il est fils de pharmacien. C'est pour sa sœur que les parents achètent un piano, et pourtant c'est le petit qui est irrésistiblement attiré par l'instrument, dont il sait jouer immédiatement, presque naturellement : ses premiers professeurs le diront déjà formé. La musique est bien la seule chose qui coule de source pour cet enfant de quatre ans farouche et fragile, dont la vie est empoisonnée par une allergie cutanée qui exige des soins permanents, et par une inaptitude à accepter la discipline des adultes. Ses parents renoncent à leur vie bien ordonnée pour déménager à Rio quand il a six ans, afin qu'il ait les meilleurs professeurs. Mais comment l'apprivoiser ? Son professeur, Lucia Branco, élève d'un disciple de Liszt, le confie à son assistante, Nise Obino, forte femme en avance sur son temps, et qui saura trouver les mots et le comportement pour le canaliser et lui apprendre à mettre sa technique au service de sa musicalité. Une bourse du gouvernement brésilien permet à l'adolescent de quinze d'aller étudier à Vienne auprès du grand pédagogue Bruno Seidlhofer : il y fait la connaissance d'une condisciple, son aînée de trois ans, qui allait être l'amie intime et indéfectible de toute une vie : Martha Argerich, venue quant à elle de son Argentine natale, et qui doit être inconsolable aujourd'hui. Leurs duos sont irrésistibles car il est l'un des rares à pouvoir lui tenir tête.
Un son toujours chaud et sensuel
Après plusieurs échecs lors de concours internationaux, la victoire au prix Vianna-da-Motta en 1964 donne le signal de la carrière et de ses premiers enregistrements. Ses incroyables interprétations de Liszt dessinent l'image d'un pianiste à la virtuosité féline, indomptable. Image juste mais insuffisante. Car au-delà de sa dextérité, dont il reconnaissait volontiers qu'elle lui avait facilité les choses, au-delà aussi de sa mémoire exceptionnelle et de sa capacité hors norme à jouer à vue des partitions inconnues en mettant déjà tout en place, ce qui l'intéressait était la vérité profonde de la musique. Celle qu'il trouvait en écoutant les disques de son idole de toujours, la pianiste brésilienne Guiomar Novaes. Cela se traduit, dans le jeu de Nelson Freire, avant tout par le son. Le sien n'est jamais lourd ni percussif, mais toujours chaud et sensuel, d'une grande variété de couleurs, si bien qu'avec lui des musiques facilement sirupeuses ou superficielles comme celles de Tchaïkovski ou Rachmaninov n'étaient jamais vulgaires.
C'est surtout dans la dernière phase de sa carrière discographique, chez Decca, que l'enregistrement a rendu justice à la beauté de sa sonorité et de son toucher, particulièrement dans Chopin, Brahms ou Schumann. Il pouvait lui arriver de paraître un peu absent, quand il n'avait pas envie : le contraire d'un robot. Cet homme pudique aimait moins que tout se mettre en scène, sa quête de la vérité musicale était trop intérieure pour se satisfaire des paillettes du star-system.
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