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Harry et Meghan ébranlent Buckingham Le Monde - Le Monde

Editorial du « Monde ». Difficile pour les citoyens d’une République de saisir la véritable nature de la monarchie britannique. Une survivance anachronique ? Une extravagance inutile et coûteuse ? Un « business » familial ? Un symbole d’unité nationale et un lien avec l’histoire longue chers aux Britanniques ? Un peu de tout cela en réalité.

Si l’interview explosive donnée par le prince Harry et son épouse Meghan Markle a suscité des audiences record, si elle alimente les conversations, c’est non seulement par l’intérêt très humain que suscite un tel déballage de (beau) linge sale familial, par le dérivatif qu’il constitue en pleine crise sanitaire et sociale, mais aussi parce que la monarchie britannique, instrument central du soft power britannique, s’en trouve affaiblie.

Que John Kerry, envoyé spécial du président Biden sur le climat, prenne la peine d’affirmer que l’interview-choc n’entamera pas la « force » de la relation américano-britannique donne une idée de l’enjeu. En accusant de racisme un membre de la famille royale – qui se serait inquiété de la couleur de la peau de leur premier enfant – en heure de grande écoute sur un important réseau de télévision américaine, le couple en rupture avec Buckingham produit un tremblement de terre diplomatique. Non seulement aux Etats-Unis, mais dans le monde entier, en particulier dans ce Commonwealth largement africain et asiatique, survivance postcoloniale, dont la reine Elizabeth, le même jour, célébrait l’unité autour de la Couronne. A l’heure où, à la suite du Brexit, le Royaume-Uni se trouve isolé et cherche de nouveaux alliés, le coup est particulièrement rude.

Dimension shakespearienne

A 94 ans, après soixante-huit ans d’un règne commencé alors que Londres se voyait encore comme la capitale d’un empire, Elizabeth II en a vu bien d’autres. Le secret de sa longévité et de sa popularité réside autant dans son mutisme et son impénétrabilité que dans son élégance. Personne ne sait ce qu’elle pense et rien ne filtre de ses émotions. Le parallèle est tentant entre la crise actuelle et celle provoquée, dans les années 1990, par la rébellion de la princesse Diana contre une famille Windsor insensible à son malaise dépressif. En réalité, la reine Elizabeth a su, avec le temps, redorer le blason de la monarchie (67 % des Britanniques y sont favorables), terni par la fin tragique de la « princesse des cœurs ».

L’offensive de Harry et Meghan divise aujourd’hui l’opinion entre une fraction qui tend à les considérer comme des enfants gâtés ingrats torpillant leur famille, dénonçant l’intrusion des médias tout en se prêtant à leur jeu, et une autre qui les voit comme les victimes d’un clan étouffant, englué dans des mœurs révolues et hostile à la diversité.

Mais, bien au-delà du psychodrame familial, le couple princier lance un redoutable défi institutionnel : en accusant de racisme un membre de la famille royale qui n’est, précisent-ils, ni la reine ni le prince Philip, ils désignent implicitement le prince Charles, père de Harry, et le prince William, son frère aîné. Une partie de la presse et les réseaux sociaux spéculent sur le véritable auteur de la remarque, jugée déplacée.

Peu importe : les deux personnages montrés du doigt se trouvent être les deux successeurs de la reine, autrement dit deux potentiels rois d’Angleterre. Quels que soient ses ressorts psychologiques – revanche au nom de Diana, jalousie entre frères –, le geste de Harry et Meghan a une dimension shakespearienne : alors même qu’Elizabeth II, en fin de règne, passe progressivement le relais à son fils Charles, 72 ans, voilà qu’une flèche empoisonnée blesse l’héritier du trône.

Le Monde

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