Que fait Paul McCartney, 78 ans, quand il est confiné chez lui dans le Sussex? Il compose des chansons et il les enregistre tout seul, pardi! De la voix à la batterie, de la guitare à la production, le génial mélodiste, en maître artisan, a tout fait lui-même dans ce troisième album solo, baptisé « McCartney III » et sorti ce vendredi. Du 100% fait maison, comme son premier album en solo, dont la sortie, il y a un demi-siècle, le 10 avril 1970, avait mis fin à l'aventure des Beatles sur fond d'une invraisemblable « fake news ».
La rumeur a commencé à enfler aux Etats-Unis à la mi-octobre 1969 : Paul McCartney serait mort dans un accident de la route trois ans plus tôt. Pour ménager les fans et ne pas tuer la poule aux œufs d'or, ses trois comparses auraient décidé de garder secrète la tragédie, et de le remplacer par un sosie.
Un faisceau d'indices fumeux sur «Abbey Road»
Cette théorie fumeuse, née sur les ondes d'une radio de Détroit, sest nourrie de « preuves » aussi séduisantes que farfelues. La célèbre pochette d'« Abbey Road », sorti un mois plus tôt? Paul traverse la rue pieds nus, comme les personnes qu'on enterre en Inde, où ils ont fait un long séjour au printemps 1968. John Lennon ouvre la marche habillé de blanc, la couleur du deuil en Orient, suivi de Ringo Starr tout de noir vêtu comme il sied en Occident. Paul - ou plutôt « Faul », « False (faux) Paul » - est aussi le seul à ne pas marcher du même pas. Il tient même sa cigarette de la main droite alors qu'il est gaucher!
Les complotistes vont jusqu'à interpréter la plaque d'immatriculation de la Coccinelle blanche garée sur la gauche du passage piéton : LMW28IF, traduit par « Living McCartney Would be 28 If » (« McCartney vivant aurait 28 ans si… »). Le bassiste, relégué au rang de fantôme, n'en a pourtant que 27, mais la rumeur continue à se propager parmi les plus crédules.
Les chansons écrites depuis 1966 sont passées au peigne fin ou à l'envers pour en décrypter les messages cachés. Dans « Strawberry Fields Forever », John murmure « I buried Paul » (« J'ai enterré Paul »), assurent les exégètes. La réalité est plus prosaïque. Il marmonnait « cranberry sauce »…
VIDÉO. Les Beatles : comment Paul McCartney est devenu bassiste
« Qu'est-ce que j'apprends ? Je suis mort ? Pourquoi suis-je toujours le dernier à être mis au courant de tout ? » ironise McCartney, qui préfère prendre le bobard à la légère. Il faut dire qu'en cet automne 1969, il n'a pas beaucoup d'occasions de rigoler. Il avait bien chuté à mobylette en 1966, mais il s'en était tiré avec une dent cassée et la lèvre fendue. Bref, le mélodiste est toujours bien vivant. Mais les Beatles, eux, ont déjà un pied dans la tombe…
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Si leur inspiration est toujours prodigieuse, leur envie de jouer ensemble s'est évanouie. A l'été 1968, Ringo, vexé d'être traité comme un faire-valoir, déserte dix jours le studio pendant l'enregistrement du « double blanc ». Six mois plus tard, c'est au tour du guitariste, George Harrison, de laisser les autres en plan en pleine session d'enregistrement de « Let it Be ».
Jadis inséparables, les Fab Four s'insupportent. La mort soudaine de leur manager Brian Epstein en 1967, le dirigisme de Paul, l'omniprésence de Yoko Ono au côté d'un John défoncé à l'héroïne, les déboires financiers de leur maison de disques, Apple Records… Essoré par huit ans de Beatlemania, le groupe de Liverpool est arrivé au bout de l'aventure.
Le 20 septembre, au cours d'une réunion glaciale, Lennon « réclame le divorce ». « Le groupe est fini, je m'en vais », lâche son fondateur. Tout juste consent-il à garder la nouvelle secrète, pour ne pas gâcher la promotion d'« Abbey Road », sorti quatre jours plus tôt.
C'est à cette ambiance crépusculaire que se greffe la supposée disparition de McCartney. Et s'il y avait du vrai? Et si Paul était mort… pour les Beatles? Le bassiste, qui avait supplanté Lennon en tant que leader créatif, s'est démené comme un diable pour prolonger la vie du quatuor en phase terminale. Maintenant que John a sifflé la fin, il accuse le coup. Retranché dans sa ferme écossaise avec sa femme et son bébé, il déprime, descend des bouteilles de whisky et fume de l'herbe. Son silence alcoolisé, loin de Londres, alimente un peu plus les théories sur sa mort.
Comme toujours, c'est dans la musique qu'il se retape. Son album solo, « McCartney », composé dans le plus grand secret et enregistré sous un faux nom, doit sortir le 10 avril 1970, une semaine avant « Let It Be », le dernier album des Beatles. Quand ils l'apprennent, John, George et Ringo tentent de le dissuader. Les deux premiers dépêchent même le batteur, le plus « sympa » de la bande, toquer à la porte de la maison londonienne des McCartney sur Cavendish avenue. « Vous vous foutez de moi ! Fous le camp ! » hurle Paul, comme lorsqu'il braillait sur « Helker Skelter ».
La petite vengeance de John Lennon
Le 10, son album sort comme prévu, assorti - pour les exemplaires remis la veille aux journalistes - d'un communiqué laconique où il met fin publiquement au plus grand groupe du monde. Il ne précise pas si son départ est provisoire ou définitif, mais assure que son tandem avec Lennon appartient au passé. Le lendemain, le Daily Mirror titre à la une : « Paul quitte les Beatles », ignorant que Lennon avait scellé leur destin sept mois plus tôt. Le monde devra continuer à tourner sans eux : impensable. La croix, c'est donc le « Cute (mignon) Beatle », qui la portera aux yeux de centaines de millions de fans orphelins. Il vient de flinguer les sixties.
Il porte l'estocade finale en intentant un procès pour dissoudre les liens d'affaires qui les unissent encore. Le 12 mars 1971, le verdict tombe : les Beatles n'existent plus. Furieux d'avoir été dépossédé par son ex-complice de l'annonce de la mort du groupe qu'il avait fondé, John lui déverse son fiel quelques mois plus tard dans la chanson « How Do You Sleep » : « Those freaks was right when they said you was dead » (ces tarés avaient raison de dire que tu étais mort ». Les deux hommes se réconcilieront juste avant la sienne, il y a quarante ans.
Mais la rumeur, elle, ne meurt jamais. Certains théoriciens du complot prétendront que l'assassinat de Lennon à New York, le 8 décembre 1980 par Mark Chapman, n'était pas le geste fou d'un déséquilibré. Non, John allait cracher le morceau sur la supercherie du remplacement de Paul par un sosie. Il fallait le faire taire. CQFD.
A lire en écoutant leurs albums, le formidable livre « les Beatles, quatre garçons dans le siècle », de Frédéric Garnier, Ed. Perrin, 25 euros.
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Divertissement
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